Outre le triste privilège d'avoir l'une des fiscalités la plus importante des pays développés avec un taux de prélèvement de 45,9% du PIB en 2020, contre 35% dans les pays de l'OCDE (selon la fondation Ifrap), la fiscalité française repose sur un socle fragile alors même que notre endettement atteint en 2020 un des niveaux les plus élevés depuis 1949 à 115% du PIB soit 2 650 milliards -plus si on le ramène au PIB 2020- avec pour mémoire un deficit 211,5 milliards.
Analysons brièvement les recettes fiscales (2019 - site du Ministère de l'économie) sans s'y perdre :
Taxes sur la Valeur Ajoutée (TVA) 186 milliards,
Impôts sur le Revenu (IR) 87 milliards,
Impôts sur les Sociétés (IS) 67 milliards,
Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Pétroliers (TICP) 17 milliards,
Autres, dont l'Impôts sur la Fortune Immobilière (IFI) 57,6 milliards.
Plusieurs remarques : i. les contribuables personnes physiques payent plus que la TVA et l'IR, qui représentent à eux seuls 66% de l'impôts, TCIP ( qui représente 40% du prix de l'essence à la pompe) et les autres taxes (droits de succession, IFI), c'est donc l'assise principale de la fiscalité française ii. seuls 43% des foyers fiscaux français sont imposables !
En dynamique, si l'on analyse les différentes catégories, TVA et IR ont augmenté entre 2017 et 2019 de +25 milliards dont 15,1 milliards d'IR pour les 20% les plus aisés (un célibataire fait parti des 10% des français les plus riches dès lors qu'il gagne 4 600 euros de revenu fiscal mensuel). Pendant la même période l'IS a diminué de 26,5 milliards soit 1 point de PIB. On a donc accru la fiscalité des personnes physiques.
Et tout cela pour quoi ? On ne peut pas dire que l'appareil France ait bien fonctionné à la lumière de la crise du COVID qui a révélé nombre de faiblesses : manque de personnel (malgré 5,5 millions de personnes travaillant dans l'une des trois fonctions publiques d'Etat soit 20% du total de l'emploi en France), non approvisionnement ou dans la douleur en matériel, multiplication des instances décisionnelles paralysant les actions, nombre d'experts incroyables faisant apparaître une techno structure administrative pléthorique, des responsabilités diffuses... bref cela n'a pas marché du tout ! C'est conjoncturelle me direz vous. A en croire le mal fonctionnement de la justice et de la sécurité observable ces derniers mois, c'est plus surement structurel.
Les principaux postes du budget de l'Etat sont :
57% la protection sociale (retraite et système de soins) propre au modèle social français. C'est plus de la moitié des dépenses !
15,6% de dépenses sectorielles (affaires économiques et transports pour respectivement 5,8% et 4,7%, culture à hauteur de 2,6%, environnement pour 1,7% et infrastructures),
9,5% vont à l'éducation nationale dont la performance fera l'objet d'un autre post !
6,6% pour le fonctionnement des administrations publiques,
6% destinés aux dépenses régaliennes constituées du triptyque défense - justice - sécurité,
2,8% pour la charge de la dette,
2,3% -soit moins que la culture !- pour la recherche.
Mauvaise assise d'un côté, non alignement des postes budgétaires sur les enjeux futurs de l'autre, un montant absolu de dette en hausse importante, l'équation est assez complexe à résoudre. Comment trouver de futures recettes fiscales pour rembourser ? En pareilles circonstances dans le passé (première et seconde guerre mondiale) le recours à l'impôt y a contribué mais pas que, inflation et dévaluation également. Les marge de manoeuvre sont assez limitées : Euro d'une part, l'un des taux de prélèvement public les plus élevés au monde de l'autre. Difficile de faire plus d'autant que l'IS français est peu concurrentiel, que l'IR repose sur une faible partie de la population (10% des foyers payent 70% de l'impôt ! - ils payent en moyenne 13 800 euros contre une moyenne pour l'ensemble des foyers de 4 200 euros), la TVA est l'une des plus élevées...
Certes une réponse facile est de parier sur une hausse future du PIB, mais encore faudrait-il libérer les forces productives et favoriser la consommation et... donc baisser la pression fiscale ! La France serait-elle enfermée dans une spirale infernale ? Et c'est sans parler d'un éventuel impact de remontée des taux.
Il faut à la fois créer les conditions pour un développement du PIB, réaligner certaines dépenses sur les enjeux futurs, et baisser le taux de pression fiscale.
Quelques pistes de réflexion :
On n'échappera pas à une réforme des retraites. Quant au régime de soins, s'il est une chose qui a fonctionné pendant la pandémie, c'est bien ce système solidaire permettant de surpasser collectivement la pandémie. D'une manière générale ce poste budgétaire est l'un des rares derniers murs porteurs de notre identité. En revanche, avec un poids supérieur à la moitié des recettes, il doit clairement faire l'objet d'une rationalisation : mieux prendre en compte les périodes de travail et de formation, l'allongement de l'espérance de vie, les carrières multiples mais aussi simplifier les processus, limiter les guichets... la digitalisation devrait pouvoir permettre de faire de sérieuses économies de fonctionnement et mieux définir les droits. Ce n'est surement pas une approche comptable comme privilégiée jusqu'alors qui permettra de surmonter le problème. Au risque de caricaturer, cela a abouti à avoir toujours une charge importante, mais avec moins de lits d'hopitaux... D'autant qu'une partie de cette charge repose également sur les entreprises et les particuliers au travers des cotisations sociales prélevées ! Mais attention à ne pas jeter l'eau du bain avec le bébé, car c'est l'un des socles de notre identité nationale.
Mieux répartir la charge de l'impôts entre les différents acteurs et pour l'IR sur plus de foyers fiscaux : tout le monde doit payer même symboliquement un impôt, c'est l'une des contreparties du bénéfice d'un système de retraite et de soin protecteur, d'un accès aux études quasi gratuit ; la progressivité sur les revenus supérieurs doit certainement être revue, le dernier décile recouvre trop de cas particuliers et ils n'est pas illogique que les 1% les plus riches doivent contribuer plus fortement, y compris avec un impôt exceptionnel de solidarité covid quitte à mettre un système de dégrèvement en cas de dons très significatifs.
Associer citoyenneté française et paiement de l'impôt, obligeant tout citoyen français à payer au minimum l'équivalent ce qu'il paierait en résidant en France.
L'Etat doit procéder à une réorganisation profonde non pas dans les métiers nécessaires régaliens et hospitaliers mais dans son fonctionnement en limitant les redondances y compris avec les régions (la montée en puissance du personnel en région aurait dû s'accompagner d'une baisse équivalente a minima dans la fonction publique d'Etat) ; limiter les postes de haute fonction publique sans affectation et les rendre plus polyvalent, en ce sens la suppression des grands corps avec une fongibilité des postes est intéressante, on pourrait contractualiser sur une période de 5 ans l'accès à ce grand corps, à l'image de l'armée de métier.
Simplifier le mille feuille administratif et les règles applicables à nos concitoyens. La lisibilité des règles et de la loi est une condition sine qua non pour qu'un collectif puisse s'y reconnaitre, l'inverse produit un sentiment d'injustice qui va à l'encontre du sentiment d'appartenance. Le processus législatif doit synthétiser des règles générales et créer des cas particuliers. Laisser à la justice et à la jurisprudence décliner les principes généraux aux cas particuliers.
Rationaliser et limiter les postes politiques : a-t-on encore besoin de deux assemblées, a-t-on besoin d'autant de députés, a-t-on réellement tiré les conclusions de l'émergence d'une fonction politique régionale, a-t-on besoin de 36 000 communes ? Ouvrir et faciliter l'accès aux postes électifs à une plus grande diversité de profils, et enfin dé-professionnaliser la politique.
Supprimer le nombre des agences d'Etat et comités Théodule qui de surcroit sont source de pouvoir réglementaire non démocratique.
Retravailler les taux de TVA en créant notamment une TVA sur les produits non fabriqués en France/Europe ce qui permettrait de rééquilibrer le dumping social, favoriser le made in France/Europe et réduire l'empreinte écologique.
Voilà quelques premières pistes de réflexion.
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